samedi 31 octobre 2009

Le billet de René Perez. Au nom de la loi

Le Télégramme du 31 octobre 2009

Plus de PLU! À Brest, le plan local d'urbanisme est passé à la trappe, annulé par les juges, au motif, notamment, qu'il manque cinq petites lignes dans une note d'information destinée aux élus. Dur! Dans un premier temps, cette décision a fait craindre la pichenette dans le château de cartes et du grabuge dans la construction. Mais hier, après consultation des juristes, le maire a rassuré son monde. Il n'y aura ni reports de chantiers, ni enquêtes publiques à refaire. C'est moins grave que si c'était pire. Cet épisode n'en constitue pas moins une illustration des travers dans lesquels nous voilà plongés, entre une législation tatillonne, des administrés de plus en plus procéduriers et un formalisme judiciaire à donner la migraine à un huissier de justice. Désormais, le moindre petit grain de sable enraye la mécanique et il arrive même que l'on remette en liberté des individus dangereux, au motif qu'il manque une signature au bas d'une feuille. Comme si on avait relâché Landru sous prétexte qu'il manquait la marque de la cuisinière à bois dans l'acte d'accusation. Alors on l'imagine, aujourd'hui, notre pauvre Eiffel. Ce bon Gustave n'aurait pas la moindre chance de la voir sortir de terre, sa tour. En moins de deux, il serait attaqué pour non-respect du délai d'appel d'offres, dépassement de la hauteur absolue au faîtage, utilisation de poutrelles non conformes à la norme ACK7436, entrave au stationnement public, voire même non respect de la distance réglementaire par rapport à un débit de boissons. Si ça se trouve, il aurait même été mis en examen. Et nos ancêtres qui ont fait les alignements de Carnac, vous imaginez? Ils mettent des années à baliser le terrain par rapport aux étoiles, la commission druidique donne son feu vert, les types se crèvent à tailler des menhirs et au beau milieu du chantier, voilà un huissier à tête de gui qui se pointe et hurle: «Arrêtez tout! Le permis est annulé. Vous n'êtes pas dans l'alignement!». Mais bon, il y a des jours où on regrette qu'il n'y ait pas eu un petit recours suspensif. À Pont-l'Abbé, par exemple, où vient d'être édifiée une drôle de fontaine. Elle est aussi riante et angulaire qu'un mausolée de la grande époque soviétique. Et forcément, elle fait du reuz chez les Bigoudens qui se demandent s'il était vraiment nécessaire d'édifier une stèle funéraire pour égayer l'entrée de leur ville. Alors, connaissant l'esprit facétieux des Bigoudens, on prend le pari: en ce week-end de la Toussaint, elle devrait être la seule fontaine de France à recevoir un dépôt de gerbes!

* René Perez

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